Kadidja Duparc est architecte. Elle dirige l’agence SKY Architectes spécialisée dans le design paysager et urbain, l’architecture éco-responsable, d’intérieur et l’ingénierie du bâtiment.
Elle profite de cette Journée mondiale de l’Habitat, pour nous entretenir d’architecture durable, un concept encore relativement méconnu des africains.
Face aux enjeux démographiques et économiques qui se posent aux villes africaines en croissance rapide et désordonnée, opter pour une architecture durable pourrait constituer une solution adéquate.
Avec les changements climatiques, l’aménagement de l’espace urbain représente un défi majeur. La nécessité d’un développement urbain durable est plus urgente en Afrique subsaharienne que partout ailleurs dans le monde.
Il s’agit en effet de l’une des zones affichant la croissance urbaine la plus rapide au monde. Alors qu’il est responsable de moins de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète, ce continent va devoir subir les effets causés par le changement climatique au niveau global.
Le béton, le verre et la tôle qui composent l’essentiel de nos bâtiments en Afrique sont des matériaux qui accumulent de la chaleur. Leur utilisation intensive provoque un inconfort thermique, amenant les utilisateurs qui en ont les moyens à s’équiper de climatiseurs.
En période de grande chaleur, les populations défavorisées élisent domicile dans la rue afin d’éviter de supporter la chaleur étouffante qui règne dans leur habitat.
Le recours massif à une architecture classique utilisant ces matériaux, entraîne des coûts financiers substantiels. Cela inclut une énorme demande énergétique qui, dans certains cas, ne peut être entièrement satisfaite.
De plus, l’utilisation systématique de ces matériaux importés à forte teneur en carbone, inadaptés au contexte local maintient les pays africains dans une dépendance aux importations néfaste à leurs économies.
Dans ce contexte de réchauffement climatique et d’urbanisation exponentielle, continuer à pratiquer en Afrique, une architecture classique, pèse lourdement sur l’économie encore fragile des pays africains. Ceci accentue les situations de « mal vivre » et d’inconfort.
Revoir notre conception de l’habitat constitue dès lors, une priorité, voire une urgence. Cette évolution plaide pour l’adoption généralisée d’un nouveau concept d’architecture : l’architecture durable.
Cette dernière consiste en une architecture qui agrège les bases de l’architecture bioclimatique et celles de la responsabilité sociétale et environnementale. Les fondements de cette architecture durable sont loin d’être étranger à l’Afrique.
Nos cases traditionnelles africaines étaient construites sur un modèle d’architecture bioclimatique. Une architecture pragmatique basée sur le bon sens et la logique.
Elle utilise les matériaux disponibles dans l’environnement immédiat, sollicite des savoir-faire locaux prenant en compte son contexte géographique et climatique.
Par le biais d’une conception intelligente, l’architecture bioclimatique s’arrime à la géographie du lieu et à son climat. Ce mode d’architecture produit des bâtiments garantissant un confort de vie quotidien, nettement supérieur et énergétiquement bien plus économes.
Relever le défi de l’urbanisation nous incite à repenser intelligemment nos villes. À prendre en compte le climat et le bien-être des citoyens africains. Elle valorise les matériaux et les savoirs locaux.
Architectes, urbanistes sociologues et entrepreneurs,… ont un rôle décisif à jouer dans la conception et la construction de modèles de villes “AFRICAINES”. Géographiquement, climatiquement, socialement et culturellement parlant.
Aujourd’hui plus que jamais, une architecture durable pensée pour les africains, apparaît comme une évidence. Pour répondre au défi de l’urbanisation rapide, Il est essentiel de sortir de ce cercle vicieux dans lequel notre continent est resté longtemps enfermé, faute d’innovation et de choix politiques endogènes forts.
Kadidja Duparc – CEO Sky Architectes